Un peu (trop) d’absinthe ?

absinthe

J’aime Paris. J’aime y flâner. J’aime y retrouver ma tribu vendéenne. J’aime y emmener les Monstrésors. J’aime et j’ai aimé m’y perdre amoureusement. J’aime m’y échapper entre nanas. Paris est un essentiel. Paris est un intemporel. Paris est une hutte à tribus.

J’y étais le weekend dernier. Un rituel (sacré) veut que l’on lâche tout à la Pentecôte, qu’on balance des fringues dans une valise, qu’on s’entasse dans une voiture et qu’on s’évade. Quatre nanas, des papotes, des compils, des rires et des rêves.

Nos pas nous ont mené, le temps d’une nocturne, au Musée d’Orsay. Galerie des impressionnistes. 5e étage. Et paf. J’ai 15 ans. Je suis en quatrième. Le défi de la quatrième, c’est l’exposé. On doit tous présenter un artiste. J’ai présenté Brel mais j’y ai découvert les impressionnistes, notamment. Grâce aux autres. J’ai 38 ans et leurs oeuvres ne sont plus des diapositives. Ce sont des tableaux. Les authentiques. Noeud au ventre. Degas. Renoir. Monet. Manet. Pissarro. Sisley. Mes yeux passent de l’un à l’autre et des bribes d’analyse me (re)viennent.

Je croise le Bal du Moulin de la Galette de Renoir et je pense à son Déjeuner des canotiers. J’ai tous les âges de 26 à 38 ans. Je pense Amélie Poulain et Raymond Dufayel.  Je les revois scruter l’inconnue au regard insaisissable. Je les entends lui créer une histoire qui pourrait être celle d’Amélie. Je cherche à croiser les regards des invités au Bal et je souris de ce que je leur offre comme vie. J’aime ce jeu. Dans la vraie vie aussi. M’asseoir à une terrasse. Boire un verre. Observer les gens. Les habiller de mes mots.

La balade continue et l’Absinthe me donne le vertige. Je me sens voyeuse. Je me vois à la table d’en face, l’appareil posé l’air de rien, capturant l’instant. Le cadrage est tellement photographique. Proche de moi.  Sauf que je  pense n’avoir jamais photographié la tristesse. La dame, dans ce café, j’ai juste envie d’oublier mon appareil et de m’asseoir à côté d’elle. De faire pétiller son regard. De lui dire des mots à la Brel. Qu’elle n’est pas toute seule. Que tant qu’à boire un coup, autant en boire à deux. Mais elle seule, non. Je ne comprends pas pourquoi, loin dans un atelier, Degas veut faire durer cette expression de solitude et de mélancolie.

Je quitte le 5e étage, la Galerie, le Musée. On se raconte nos impressions, on s’offre un Indien. Goûtu, l’Indien. Mais la nuit, c’est l’Absinthe qui parfume mes rêves. Je le range dans un coin de MA. Jusqu’à Bruxelles. Où je google. La ‘paumée’ est Ellen André, une comédienne. Degas l’a mise en scène. Imaginée mélancolique, presqu’alcoolique. Il a même dû certifier que c’était un ‘rôle de composition’. D’ailleurs, Ellen est aussi du Déjeuner des canotiers façon Renoir. Elle n’est pas la fille au regard insaisissable. Elle se distrait en papotant.

J’ai 38 ans et  je sais que la dame de l’Absinthe est une réalité. La solitude. La crise. Les doutes. Les pics émotionnels. La peur de pas y arriver. Malgré tout. L’envie de fuir. Le besoin d’oublier. Et comme une petite musique positive, pourtant, la voix de Raymond Dufayel murmure :  « Voilà ma petite Amélie. Vous n’avez pas des os en verre, vous. Vous pouvez vous cogner à la vie. Si vous laissez passer cette chance alors avec le temps c’est votre coeur qui va devenir aussi sec et cassant que mon squelette. Alors allez-y, nom d’un chien ».

Woué. Allons-y, nom d’un chien …

 

Une réflexion sur “Un peu (trop) d’absinthe ?

  1. J’aime Paris, j’ai passé une journée au Musée d’Orsay il y a qqs années parce que mes peintres préférés sont les impressionnistes. Je peut être rêveuse devant certaines toiles ….

    Tt au long de notre vie, il ns ait proposé des instants « magiques » qds de rencontres, des événements touchent qq chose de ns même, enfoui, oublié, angoissant, ou d’une infinie douceur, follement excitant, ou parfois à la limite de la folie. Des moments d’absinthe. Des moments où l’on sait que ns ne sommes que des funambules mais où la part de lucidité, d’amour débordant, de curiosité ou de rejet ns rapproche d’un autre funambule. Ils ns donnent l’envie de courir sur le fil pour rejoindre le plancher des vaches et partager. Ils sont les reflets de notre humanité, de notre fragilité et aussi de notre capacité à espérer pour avancer.
    Merci pour ce partage d’émotions, moment « magique »…

Laisser un commentaire